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La stigmatisation de l'athéisme est contraire à la laïcité

Rand, David

Ce texte est ma réplique à un article d'Henri Laberge paru dans le numéro 14 de Cité laïque. Monsieur Laberge a critiqué mon texte « La laïcité implique-t-elle la neutralité religieuse ? », tout en déformant son sens, paru dans le numéro 13 de cette revue.

Cette réplique devait d'abord paraître dans le numéro 15 de Cité laïque, mais la rédaction a tergiversé, pour enfin retirer sa décision de publier, bafouant ainsi mon droit de réponse.

2009-11-24



La stigmatisation de l'athéisme est contraire à la laïcité


Fausser grossièrement mes propos

Dans un texte intitulé « La laïcité implique-t-elle la neutralité religieuse ? » paru dans le numéro 13 de Cité laïque, j'ai critiqué une tendance, manifeste parfois dans les milieux militants laïques, à promouvoir une vision exagérément neutraliste (entre croyance et incroyance) de la laïcité. Exprimant mon point de vue des rapports entre athéisme et laïcité, j'ai prôné un discours plus honnête, plus compatible avec l'orientation humaniste du MLQ. Henri Laberge y réplique par « De quel athéisme et de quelle laïcité s’agit-il ? » paru dans le numéro 14. Examinons quelques assertions tirées de cette réplique.

  1. Selon Henri Laberge, « David Rand attaque la définition que le Mouvement laïque québécois donne traditionnellement de la laïcité. » Au contraire j'ai exprimé des idées cohérentes avec les principes de base du MLQ, auxquels je n'ai proposé aucune modification. Par ailleurs, mon texte ne propose pas que les athées d'un côté et les croyants de l'autre se constituent en deux communautés distinctes afin de négocier une (fausse) laïcité communautariste, contrairement à ce que laisse entendre Henri Laberge.
  2. Selon Henri Laberge, j'utilise une définition très floue de l'athéisme. Au contraire, une lecture attentive de mon texte révèle que le terme « athéisme » est pour moi à peu près synonymique avec « matérialisme » car à mon sens l'athée rejette non seulement le théisme, mais aussi le déisme et toute autre croyance surnaturelle, irrationnelle ou pseudoscientifique. On peut critiquer cette définition comme trop restreinte, mais elle n'est certainement pas trop large.
  3. Henri Laberge écrit, « Selon David Rand, la laïcité doit se définir comme résolument antireligieuse et l’État laïque comme celui qui se proclame officiellement athée[...] » Pourtant j’ai clairement écrit que l’État laïque serait athée « de façon passive pour ainsi dire », c'est-à-dire que son athéisme serait implicite et non explicite. D'ailleurs, j'ai écrit que la laïcité a « un aspect indéniablement antireligieux » mais que « la laïcité demeure toutefois moins antireligieuse que les autres formes de gestion de la religion, y compris les religions elles-mêmes. »

Une approche laïque à l'athéisme

Revenons au coeur du sujet : Quelle attitude à l'égard de l'athéisme doit adopter une association laïque comme le MLQ ? Je ferai une illustration à l'aide de deux slogans assez connus car utilisés récemment dans des publicités faites par diverses associations humanistes.

Or, le slogan [a], quoique bien modeste -- vu le qualificatif « probablement » --, demeure un slogan athée, car il prône le rejet de la croyance en dieu. On pourrait donc dire qu'il serait inapproprié pour une association comme le MLQ qui n'est pas explicitement athée. Mais le slogan [b] ne prône pas l'athéisme : au contraire, il ne fait que rappeler que la morale est indépendante de la croyance en dieu. C'est un slogan laïque, précisément le genre de message que le MLQ devrait diffuser.

La morale est une préoccupation majeure des religions, surtout des théismes tels le christianisme et l'islam. La morale, du moins celle de la vie civile, est aussi une préoccupation centrale des laïques. Mais tandis que les théismes prétendent que la source des principes moraux soit la divinité, la laïcité est un programme socio-politique qui s'appuie sur l'idée que l'on puisse établir des règles civiles purement humaines, sans aucune référence aux dieux.

Les théismes véhiculent par intérêt le vieux préjugé selon lequel l'athéisme serait synonyme d'amoralité ou d'immoralité. L'incroyance et la non-pratique religieuses se répandant progressivement, il devient de plus en plus difficile pour les propagandistes religieux de dénigrer la morale personnelle des athées. C'est donc l'incroyance plutôt au niveau collectif qu'ils décrient, prétextant que l'absence de « valeurs spirituelles » dans les sociétés laïcisées soit la cause de toutes sortes de malaises et de malheurs. Les mouvements laïques doivent contrer cette propagande, prôner la liberté de conscience, et dénoncer la stigmatisation de l'incroyance. L'athéisme en soi est anodin.


La hantise de l'athéisme

En septembre 2007, Henri Laberge a répliqué à un éditorial antilaïque d'André Pratt avec un texte « L’athéisme d’État est contraire à la laïcité » qui a été grandement distribué. (L'Aut'Journal, en reprenant ce texte, a eu le gros bon sens de remplacer le titre par « La laïcité défend la liberté religieuse ».) Un mois plus tard dans une entrevue dans La Presse, Laberge répond aux accusations d'« intégrisme laïque », en déclarant que « La laïcité, ce n'est pas un intégrisme. [...] Il pourrait y avoir un intégrisme athée. [...] La laïcité s'oppose autant à l'athéisme d'État qu'au confessionnalisme d'État ou à la religiosité d'État multiconfessionnelle. » Ceci laisse croire que la laïcité est bonne, tandis que l'athéisme serait dangereux, comme si ces deux principes s'excluaient mutuellement. À la paranoïa antilaïque de nos détracteurs, Henri Laberge répond par la hantise de l'athéisme. Est-il vraiment utile pour les militants laïques de tant réconforter les religionnistes en faisant ainsi l'écho du préjugé anti-athée tristement courant ?


Conclusion

Au lieu de se servir de l'athéisme comme bouc-émissaire, il faudrait prôner la laïcité sur la base de ses propres mérites. Et il faut lutter contre la stigmatisation de l'athéisme car celle-ci est un élément essentiel de la propagande antilaïque.



Références




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