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Un regard critique sur la signification du Baptême catholique au Québec

Rémi Tremblay, autodidacte généraliste

L'apparence imposante de l’Église catholique, et les moyens politiques dont elle dispose actuellement, ne seraient pas les mêmes si elle n’avait pas bénéficié au fil du temps de tous ces fidèles, y compris un grand nombre de non-pratiquants, inconscients des implications réelles de leur participation au culte catholique.

2009-03-25



Le Baptême au Québec


Si un groupe d’aide-humanitaire hypothétique, subventionné par le premier ministre de notre belle nation, le Québec, mettait en œuvre un jour l’idée de décourager ou même de bannir l’utilisation des moyens de contraception dans certains pays d’Afrique afin de préconiser l’abstinence comme moyen « idéal » de contrôle de naissance ou d’infection au VIH, serions-nous prêts à appuyer celui-ci au moyen d’une pétition, voire un vote ?

Pourtant, c’est ce que nous faisons sous une forme équivalente lorsque plusieurs d’entre nous baptisent leurs nouveau-nés : pour chaque baptême – ce qui concernait, en 2007, soit plus de la moitié des nouveau-nés [1] –, nous acquiesçons à ce que l’Église catholique rajoute une personne de plus à ses rangs, par voie du registre de baptême, ce qui ne contribue certainement pas à lui conférer une notoriété mondiale moins importante ! [2], [3]

En effet, que les individus associés à chacun des noms inscrits dans les registres de baptême partout dans le monde soient d’accord ou non avec chacun des points de la Sainte Doctrine catholique romaine importe probablement peu les hauts membres du clergé : c’est plutôt le nombre d’adhérants qui compte. Car la crédibilité actuelle de l’Église, notamment en matière de morale, consiste en un édifice reposant essentiellement sur une fondation fabriquée d’une conscience sociale nourrie pendant des siècles d’arguments fallacieux (p. ex. les arguments de la raison par la peur, de la raison par l’autorité, de la raison par la force, de la raison par la majorité, de la raison par la foi, de la raison par l’ignorance, circulaires, etc.), tenant son origine dans une simple conjoncture historique – soit la conversion au christianisme, en l'an 312 apr. J.-C., de l'empereur Constantin Ier – qui eu l’effet d’un feu de paille.

Il s’ensuit que l’apparence imposante de l’Église catholique, et les moyens politiques dont elle dispose actuellement, ne seraient sans doute pas les mêmes si elle n’avait pas bénéficié au fil du temps de tous ces fidèles pourtant inconscients des implications réelles de leur participation à ce culte. Et, puisqu’elle n’opère pas selon la méthodologie scientifique [4], il lui est plutôt difficile par conception de modifier son point de vue d’une façon pertinente pour ainsi épouser l’humanité dans toutes ses qualités émergentes et évolutives.

De fait, lorsque, vers la fin du dernier millénaire, l’Église rencontra deux obstacles d’envergure, en l’occurrence les théories de l’héliocentrisme et de l’évolution, elle chercha tout d’abord à faire taire, et ce, souvent en prenant recours à la force et à la violence, lesdits hérétiques. Mais cette approche ne suffisant point, l’Inquisition ayant perdu de son souffle, et voyant par conséquent son autorité mise à l’épreuve comme jamais auparavant, elle changea de stratégie – stratégie qui, jusqu’à ce jour, est encore essentiellement la même : l’objectif était maintenant la réconciliation à tout prix.

Pour ce faire, elle fit appel à la plus scrupuleuse des études anagogiques de ses Écritures saintes (des écritures qui sont – ou devraient être –, par définition, immuables) dans le but de trouver un sens jugé compatible avec ces théories scientifiques grandissantes à vue d’œil, dans l’espoir de préserver ainsi son autorité en tant que source de vérité absolue ; or en ayant recours à de telles actions, elle démontra indubitablement qu’elle ne possédait pas cette dernière en premier lieu. Et, comme si cela n’était pas suffisant, en usant d’une telle approche, elle s’exposa au risque d’épuiser tous les sens plausibles des parties concernées du Texte, ce qui se manifesta, dans la pratique, par une diminution toujours croissante de l’interprétation littérale de la Bible : depuis lors, on préfère mettre de plus en plus d’emphase sur des versets qui ne posent qu’un minimum de difficultés, mais ces derniers se font de plus en plus rares.

En réalité, l’Église catholique n’a jamais vraiment collaboré avec des experts en philosophie ou en science extérieurs à son domaine, sauf dans les cas où elle le jugea adéquat [5], ce qui est très facile à comprendre compte tenu de la façon dont elle traitait les esprits pénétrants à l’époque de l’Inquisition. Il y a donc bien eu un début modeste à tout cela et il peut y en avoir une fin si on le veut.

Qu’en est-il alors de ces quelques 83,2 % [6] de Québécois qui s’identifient au catholicisme romain, desquels environ 66 % [7] – lesdits non-pratiquants – n’assistent aux cérémonies qu’une seule fois par année ? Voilà l’idée de la « tradition » qui entre en scène. Bien que le peuple québécois ne peut certes pas effacer son passé à caractère de dominance religieuse, cela signifie-t-il qu’il lui faut à tout prix préserver les sacrements, hormis la messe du dimanche, quitte à donner à l’Église, en lui fournissant de nouvelles adhésions sous forme de baptême, ce qu’il lui a de plus précieux : son indépendance et sa volonté d’être en tant que société laïque ? Pas nécessairement.

Seulement, pour le néophyte, la différence entre un non-pratiquant et un athée peut sembler équivoque. Néanmoins, la « distance cognitive » à franchir avant de se demander « Quel sens y-a-t-il d’affirmer que l’on appartient à une religion si l’on ne la pratique pas ? » est faible. Or un athée informé, en parlant avec un soi-disant non-pratiquant, se rend vite compte du problème : le non-pratiquant n’a tout simplement pas réglé la question en lui-même à savoir que les problèmes dont l’Église prétend depuis des siècles détenir les solutions sont les plus importants jamais rencontrés par l’homme et requiert donc l’étude la plus soigneuse et appliquée ; une étude dépassant de loin l’étendue ontologico-épistémologique médiévale desdites solutions [8].

Même si le camp des parents qui décident de faire baptiser leur nouveau-né se partage bien en deux parties plus ou moins égales, c’est-à-dire celle qui le fait par tradition et celle qui le fait par quelque choix personnel, cela n’a aucune incidence sur la responsabilité de celui qui se déclare comme étant non-pratiquant, car l’emploi de ce mot, dans ce cas, constituerait une forme d’impropriété de termes.

De fait, si l’on en croît les statistiques [9], environ 25 % de la population des nouveau-nés serait baptisé pour des raisons traditionnelles, tandis qu’un autre 25 % le serait pour d’autres raisons. L’impulsion d’avoir des enfants n’étant plus vraiment une fonction de la religion, il ne serait donc pas trop déraisonnable d’énoncer que, au Québec, 100 % des bébés découlent de 100 % de la population. On attribuerait alors 17,2 % de ces bébés à des familles à confession catholique dite pratiquante, et 66 % à des familles de confession catholique dite non-pratiquante. Et, si l’on étire les données à la limite, on peut affirmer avec une bonne probabilité que les bébés des 17,2 % pratiquant sont comptés parmi les 25 % qui ne sont pas baptisés pour des raisons traditionnelles, alors que le 32,8 % d’enfants baptisés qui reste reviendrait au 66 % non-pratiquant.

Mais encore, y a-t-il vraiment un mal à faire baptiser son enfant ? Le Baptême, parmi plusieurs autres choses, ne fait-il pas partie intégrante de notre culture, de nos traditions en tant que Québécois ? De surcroît, l'Église n’a-t-elle pas contribué massivement à bâtir cette nation tout comme de nombreuses autres partout dans le monde ? Et d’ailleurs, pourquoi donc prendre l'Église catholique tant au sérieux en premier lieu ? N’a-t-elle pas déjà perdu la plus grande part de l’emprise dont elle jouissait naguère sur nombre de nos choix moraux et éthiques ? Ces arguments comportent certes tous un certain degré de crédibilité. Seulement, en référence à ceux-ci, une question se pose tout de même naturellement : oui, mais qu’en est-il des enjeux réels de tels actions ou inactions, faits ou suppositions ?

En conclusion, on pourrait dire que le plus difficile reste à faire : couper le cordon avec le Vatican une fois pour toutes ; que le statut d’« imperméabilisation à la critique » de la religion devrait en être le catalyseur principal. Que ce n’est certainement pas en mettant la question en suspend que nous allons atteindre ce but ! Qu’une laïcité extrême, imbibée d’iconoclasme, où les noms des villes et villages, au Québec, composés de tous les saints imaginables seraient renommés, où tous les crucifix grandeur nature seraient enlevés et où tout le monde, y compris les enfants, adopterait la perspective objective de ce qu’est réellement l’emblème du catholicisme, soit rien d’autre que l’absurdité gratuite d’un homme sanglant cloué sur une croix, serait de mise. Cependant, cela n’est pas ce que cet auteur préconise.

Somme toute, il est vrai qu’il n’est pas chose aisée que de décider quelles traditions nous devrions conserver ou pas – si tel en était le cas – en tant qu’individus et en tant que nation, sauf que là n’est pas exactement la question. En effet, la problématique du Baptême, proposée ci-dessus, n’aurait probablement pas suscité tant l’attention de l’auteur si les noms de ces enfants, encore beaucoup trop jeunes pour être conscient de ce à quoi ils participent, n’étaient pas officiellement comptés parmi les fidèles de ce culte.



Des solutions ?


i) Tout d'abord, il faudrait reconnaitre collectivement que le problème réside principalement dans l’insouciance desdits non-pratiquants ; insouciance qui fait en sorte qu'ils ne regardent pas ce en quoi consiste vraiment le culte en question, y compris son rôle résiduel dans notre société moderne. Il faut que les personnes concernées agissent de manière responsable, comme avec tout le reste, en prenant des choix informés.

ii) Ensuite, il s’agirait de réactualiser l’idéologie séculière derrière l’État en la comparant à sa manifestation réelle dans notre société – ce à quoi la Commission Bouchard-Taylor s’est attaqué, mais dans un sens significativement plus large. Ce faisant, il serait possible de voir si elle est toujours adéquate ou, dans le cas où elle le serait, si elle est suffisamment soutenue par les autorités concernées. Sinon, pourquoi ?

iii) Et finalement, quant à la conservation de l’aspect traditionnel du rite baptismal, si tel est vraiment le désir du peuple, le tout pourrait toujours se faire, dans une atmosphère des plus laïques, en ayant recours à une approche plus théâtrale du Baptême, c’est-à-dire en utilisant les services d’un comédien au lieu d’un « vrai » prêtre, et ce, bien sûr, seulement dans le cas où la « valeur de vérité » d’un vrai prêtre dépendait strictement du nombre de noms de bébés par année d’ajouté aux registres de baptême. Car, comme mentionné dans la tentative d’antithèse ci-dessus, il faudrait, en effet, cesser de prendre la religion trop au sérieux.



Notes


  1. Guillaume Bourgault-Côté, Catholiques malgré nous ?, Le Devoir, 24 et 25 novembre 2007
  2. Pour certains, ce qui vient d’être énoncé pourrait s’avérer suffisant comme point de départ pour réviser leur opinion sur le sujet ; or, par nécessité, nous développerons davantage cette proposition.
  3. Pour l’heure, la position du Vatican à l’égard des méthodes modernes de contraception se résume, selon Wikipédia, comme suit :
    « Le rapport au préservatif au sein de l'Église catholique romaine est assez contrasté.
    L'usage du préservatif, comme celui de tout moyen de contraception, est refusé par la hiérarchie de l'Église catholique. L'encyclique Humanae Vitae datant de 1968 précise dans son article 14 : ‘Moyens illicites de régulation des naissances : En conformité avec ces points fondamentaux de la conception humaine et chrétienne du mariage, nous devons encore une fois déclarer qu'est absolument à exclure (...) toute action qui, soit en prévision de l'acte conjugal, soit dans son déroulement, soit dans le développement de ses conséquences naturelles, se proposerait comme but ou comme moyen de rendre impossible la procréation[7].’
    Cette position des autorités ecclésiastiques catholiques est diversement reçue par le clergé, certains évêques acceptant dans certaines conditions l'usage du préservatif [8], d'autres étant opposés à tout compromis allant jusqu'à déclarer que le préservatif contribue à la propagation du SIDA[9].
    En novembre 2006, Benoît XVI a demandé un rapport sur la licéité de l'utilisation du préservatif dans le combat contre la propagation des infections sexuellement transmissibles au cardinal Javier Lozano Barragan, président du Conseil pontifical pour la santé. »
    Source : Le préservative et l'Église catholique romaine
    Autre facette intéressante de cette institution : le recours à l’exorcisme. Remarquant que les pratiques occultes sont à la hausse, le Pape Benoît XVI décide, en 2007, de former des escouades d’exorcistes professionnels. cf. :
    Pope's exorcist squads will wage war on Satan
    Exorcisme et le Vatican
  4. On remarque que l’approche scientifique, contrairement à l’approche dogmatique, se doit de soumettre chacune des théories – qu’elles cadrent avec le sens commun ou non – offrant une tentative d’explication quelconque au plus grand nombre possible d’expériences et/ou d’observations (ce qui revient en essence à les livrer à l’esprit critique le plus corrosif) pour ainsi être reconnues comme véridiques, tout d’abord par leurs auteurs, ensuite par la communauté scientifique (ici l’étape la plus cruciale) et par qui le veut bien subséquemment. Or, quand bien même que ces théories, une fois qu’elles ont survécu au fardeau de la preuve, pourraient être perçues comme « absolues » par le profane, il n’en est rien : toute théorie scientifique constitue simplement en l’interprétation la plus dépourvue d’incohérence logique possible des données disponibles et peut à tout moment être modifiée voire invalidée si de nouveaux faits soulèvent des failles majeures dans la construction inférencielle des argumentations de celle-ci. Par exemple, bien qu’il soit difficile de concevoir que l’idée selon laquelle la Terre ait une forme ellipsoïdale soit fausse, d’autres détails, comme son diamètre, 12 742 km, ne sont par définition que des approximations, dues à la dimension fractale de sa surface, et il en est davantage le cas pour des mesures de plus grande envergure comme les quelques 4,22 années-lumière qui nous séparent de Proxima Centauri, l’étoile la plus proche du Soleil. Somme toute, on ne parle donc point de vérités absolues en science, mais plutôt de vérités pragmatiques, d’où découlent ultimement tous les progrès technologiques dont bénéficie notre société de premier monde. Par contre, n’oublions pas le fait que certaines technologies issues des découvertes scientifiques (par exemple, les armes à destruction massive) peuvent, s’il elles tombent dans les mauvaises mains, aller jusqu’à détruire tout ce que nous avons acquis à date. Mais serions-nous prêts pour autant à rejeter toutes les facettes imaginables de la technologie, ce qui consisterait en un retour à l’Âge de la pierre, que pour éviter ce sort ?
    Par contraste, la religion, avec son approche dogmatique, a-t-elle vraiment contribué au fil du temps à améliorer la condition humaine ? Si oui, comment a-t-elle put y arriver si elle n’a fait que de proposer (pour ne pas dire imposer) des solutions aux plus grandes questions de la vie, aux plus grandes angoisses, qui ne sont universelles que pour un groupe précis d’individus : ceux qui y croient ? Car chaque religion peut être classifiée par rapport aux fines particularités de ses dogmes ; et même si Dieu se veut universel, il ne peut l’être s’il ne réside que dans l’imagination humaine puisque l’imagination est unique à l’individu. De plus, d’assigner la propriété A à Dieu au lieu de la propriété B n’a aucun sens puisque nous ne pouvons le connaître objectivement. La raison en est qu’il vivrait, selon plusieurs croyants imaginatifs, dans une autre dimension, c’est-à-dire à l’extérieur du continuum d’espace-temps, alors qu’en réalité, il n’existe pas de meilleure façon d’isoler quelque chose de nous que de l’expédier dans une dimension différente des quatre dimensions du continuum d’espace-temps dans lesquelles nous, et tout ce qu’il y a autour de nous, existons ! (N.B. On remarque que les concepts des Dieux déiste et panthéiste ont tous deux réussi à écarter certaines difficultés ontologiques inhérentes aux religions comportant de Saintes Écritures ; religions qui offrent une description un peu trop détaillée – factuelle – du Créateur pour leur propre bien.) La religion catholique, forte de ses millions de membres, ne fait assurément pas exception à ces problèmes ontologiques – voire métaphysiques – classiques. En effet, tandis que la science tente d’expliquer rationnellement un phénomène, par exemple le mouvement avec les lois de Newton, en proposant des expériences que tous et chacun peuvent exécuter dans leur propre domicile pour en tester eux-mêmes l’universalité, la religion, elle, propose l’explication divine comme étant ultimement à l’origine de tout. Il est vrai que chaque individu ne témoigne pas nécessairement du même degré d’ignorance vis-à-vis la théorie de la connaissance et de ce qu’elle peut leur enseigner à propos des divers phénomènes rencontrés au cours de leur existence ; ceci dépend strictement de leur accès à l’éducation ; et l’on a donc un principe qui, pour être universel, dépend d’une ignorance qui se doit d’être elle aussi universelle.
    En ce qui concerne le catholicisme en tant que tel, d’aucuns s’opposeront à l’affirmation précédente en disant par exemple que les missionnaires ont bien contribué au développement de certains pays d’Afrique en y fondant des écoles ; ou encore que la religion apporte une certaine paix existentielle de même qu’un sentiment de solidarité et d’appartenance chez plusieurs personnes. Mais, comme énoncé par le défit de Christopher Hitchens : tout ceci n’est-il pas possible sans l’instrumentalisation de la religion ?
  5. Par exemple, cf. : Stephen Hawking to address Vatican conference on evolution, 31 octobre 2008
  6. Population selon la religion, par province et territoire, Statistiques Canada, Recensement de la population, 2001
  7. Portrait religieux du Québec en quelques tableaux, Bibby, Reginald, Project Canada 2000
  8. Nous accordons exclusivement ici à l’adjectif « épistémologique », par souci de concision, le sens plus large, typiquement anglo-saxon, de la « théorie de la connaissance ».
  9. Les Québécois croient en Dieu mais se tiennent loin des églises


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