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« Il est certain que la fin d'une loi n'est point d'abolir ou de diminuer la liberté, mais de la conserver et de l'augmenter.... la liberté consiste à être exempt de gêne et de violence de la part d'autrui : ce qui ne saurait se trouver où il n'y a pas de loi. »
— John Locke
Traité du Gouvernement civil
D'autres textes de cet auteur sont disponibles sur son site : www.flamel.ca
2007-12-15
Le croyant est-il opprimé par la séparation des pouvoirs de la religion et de l'État ? Interdire un tribunal religieux est-il une offense à la liberté ?
Les religions, spiritualités, ésotérismes, sectes, et autres pensées circulaires érigent une morale et des vertus hors desquelles tout leur est condamnable. C'est leur spécialité.
Les retenir de condamner est-il si condamnable ?
Les structures qui en découlent, tout comme leurs représentants, imposent une vérité hors de laquelle tout leur est mensonge et errance, ce qui est une profonde allergie à l'altérité. Rétablir, grâce à la laïcité, le droit d'exister d'autrui, est-il une offense à autrui ? Poser la question, c'est y répondre.
La laïcité n'est ni une vertu, ni un concept, ni une vérité, elle n'est rien en soi sinon un espace d'existence et ne s'impose pas ; elle n'est que le refus des tyrannies, le rejet du délire, la recherche de l'objectivité, d'une éthique applicable qui ne soit pas une «vérité», mais un outil civilisateur, qui ne se base pas sur des proverbes tout crus pondus il y a des milllénaires, mais sur un esprit critique aiguisé et conscient des réalités contemporaines.
Elle n'est pas un système, ni une religion, ni un regroupement, elle n'a pas de pape, d'iman, de rabbin ou de moine, de décideur, de gourou. Elle est un concensus social. La religiosité n'est jamais un concensus, puisqu'elle se présente comme indiscutable et issue d'une force «supérieure».
L'adoration de Dieu est une bien subtile adoration de soi. L'on érige une réalité qui serait supérieure à autrui, et par son biais, l'on impose notre narcissisme au monde.
La religiosité étant le culte exalté de soi compensant un Moi morcelé, forcément, autrui y est hautement compromis. Elle ne tente de réaliser l'humain que par le biais de «vertus» cloisonnées en concepts irréductibles.
Le croyant ne peut pas vous parler de pertinence ou d'adéquation de votre comportement ; il ne vous évaluera qu'en termes de «luxure» ou de «pureté», de «piété» ou d'«impiété», d'«orgueil» ou «d'humilité», de «péchés» ou de «vertus», qu'il nomme «valeurs» alors qu'elles n'en ont aucune, ni sur le plan éthique, ni sur celui de la raison. Orgueil, humilité, luxure, pureté, n'ont pas de sens sur le plan de la raison formelle, ce ne sont que des moyens de réduire autrui à l'esclavage d'une vision du monde qui met celui-ci en péril. Oscillant entre reproches et encensements, jugements et magnanimités, le croyant n'atteint jamais l'objectivité et rate la cible par cinquante lieues ou cinquante psychiatres.
Ne pouvant ainsi s'extirper de la morale, les religiosités n'atteignent jamais l'éthique.
Les religions ont-elles connu de grands artistes,de grands penseurs, de grands bâtisseurs ? Bien sûr ! Ô combien ces penseurs, artistes et bâtisseurs auraient été plus grands encore, plus utiles, plus phénoménaux s'ils n'avaient été coincés dans les limites bétonnées de la pensée religieuse !
Les religions, sectes, gourous et autres joyeux drilles cherchent à étouffer la Vie et donc, forcément, ne pouvant y arriver, ils la dressent contre elle-même par la conflictualité. Leurs cimetières sont ô combien plus vastes que leurs jardins ! D'autant plus que le jardin est promis pour après. Plus tard, quand les Anges auront des dents. En attendant, souffrons
Or, l'idée de Dieu est totalement incompatible avec celle de la souffrance ; ou il n'existe pas, ou c'est un monstre à abattre.
Pour sortir des abstractions, posons donc la question avec le réalisme des faits : empêcher une bande de gourous d'autoriser des maris à battre leurs femmes à coups de tournevis et de paroles sacrées est-il un mal, une horreur ?
Vu ainsi, on reprendra peut-être le sens des réalités en se rappelant où mène le pouvoir religieux.
Le culte est un refuge inassumé de sectaires incapables d'approcher (encore moins, forcément, de saisir) le concept d'empathie autrement que par paraboles inapplicables ou dénaturées et enfermées dans des circonvolutions morales tautologiques. Elles se fixent sur des dogmes et des vérités qui se veulent un absolu en se prétendant détachées des contraintes du monde formel.
Or, il n'est pas possible, d'aucune façon, de fonctionner avec des dogmes et d'en même temps développer son esprit critique et son jugement ; c'est l'un, ou c'est l'autre.
La diversité symbolique construit de plus profondes civilisations que la fixité divine, lorsqu'elle est discursive, lancée dans de libres et vivantes dialectiques et non pas adulation figée ; les idées évolutives sont de plus efficaces civilisatrices que les visions éteignoires d'un monde constamment étriqué par nos religiosités circonscrites.
Maintenant, évidemment, tomber dans le terrible et dangereux piège de nos haines bien commodes et créer un ennemi global, LES croyants, serait un excès tout aussi déplorable.
Ne pas confondre un concept avec son porteur en ceci que l'on ne traite
pas une personne comme on peut traiter ses idées. N'allons pas enfermer
les croyants dans des goulags ou des camps de rééducation ! Il faut,
éthiquement et humainement offrir aux croyants le droit de vivre leur
spiritualité dans son ordre de viabilité, c'est-à-dire, dans l'intimité et
la discrétion de l'expérience mystique
en attendant qu'ils récupèrent
leur esprit critique ;o)
Mais leur donner du pouvoir politique et de
l'influence dans la dimension sociale est d'une extrême dangerosité. La
croyance et tout ce qu'elle contient : morales, dogmes, émerveillements
primaires et jugements primates, est réductiviste. Elle ne contient ni
construction, ni déconstruction : elle est fixe, plastique, lettre morte.
Par cette nature, elle tue la pensée, méprise l'altérité et réduit autrui
à des termes moraux ou des sentences morales.
Autrement, clairement et plus simplement dit, laissons la paix aux croyants, mais ne les laissons pas mettre en péril la nôtre.
Repousser les méfaits de ceux qui veulent imposer leur loi n'est jamais imposer sa loi ; c'est rétablir la loi.
Refréner la dérive religieuse n'est jamais une dérive ; contrer les effets néfastes de la pensée religieuse n'est jamais néfaste ; combattre le fanatisme de la religiosité n'est jamais du fanatisme ; contrer le crime, n'est pas un crime.
De même, combattre l'intégrisme religieux n'est pas de l'intégrisme. L'association des termes : «intégrisme» et «laïcité» est un non-sens, une formule sans queue ni tête, indéfendable.
Contrer les terribles conséquences de la religion sur la société en répandant l'humanisme, l'éducation, la science, la civilisation, comporte des paradoxes, oui ; des orthodoxies, non. De l'intégrité, oui ; de l'intégrisme, non.
L'Humanité évoluera et grandira laïque ou périra religieuse.
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