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OUI aux bonnes intentions du ministre de la justice ;
NON à son avant-projet de loi tel que présentement rédigé

Henri Laberge, président du Mouvement laïque québécois (MLQ)

Texte abrégé de la conférence de presse, Henri Laberge, président du MLQ, 2003-09-03 :
Positions du MLQ relatives à la Loi sur le mariage
Pour la version intégrale de ce communiqué, veuillez consulter le site du MLQ.

2003-09-06



OUI aux bonnes intentions du ministre de la justice ;
NON à son avant-projet de loi tel que présentement rédigé

Positions du Mouvement laïque québécois (MLQ) relatives à la Loi sur le mariage


Préambule

Le Mouvement laïque québécois (MLQ) appuie fortement l’intention manifestée par le gouvernement du Canada de rendre le mariage civil accessible à des personnes de même sexe ainsi que sa volonté de respecter la liberté des groupes religieux de définir comme ils l’entendent le mariage religieux de leur confession respective. Le MLQ s’oppose néanmoins au contenu de l’avant-projet conçu par le ministère de la justice pour réaliser ce double objectif. D’abord parce que la définition qui y est proposée n’en est pas une, mais surtout parce que, empiétant sur la compétence exclusive des provinces concernant la célébration du mariage, l’avant-projet de loi tel que rédigé, sanctionnerait dans une loi fédérale le droit concédé par les provinces aux autorités religieuses de célébrer des mariages civils.


Distinction nécessaire entre mariage et fécondité légitime

L’institution civile du mariage n’oblige pas les conjoints à la fécondité. Aucune loi, par ailleurs, n’interdit la fécondité aux couples non mariés. Le mariage existe essentiellement pour officialiser, à la demande des couples qui veulent y recourir, leur union librement consentie et pour inviter toute la société à respecter leur choix de vie. La définition du mariage que doit élaborer le législateur fédéral pour se conformer à la Charte des droits et libertés doit tenir compte de cette orientation et refuser de s’ingérer dans les libres choix des personnes et des couples en ce qui a trait à leur fécondité.

Les couples mariés peuvent faire de très bons parents, tout comme ils peuvent en être de très mauvais. On peut faire le même constat pour les couples non mariés. Au cours des trente dernières années, on a vu s’établir une séparation de plus en plus sentie, dans les mentalités et dans les faits, entre le mariage et la condition parentale. Le mariage ne se définit plus comme le seul lieu ou le lieu obligatoire de la génération et de l’éducation des enfants ; il repose désormais sur le libre choix de deux personnes majeures qui ont décidé de faire vie commune et veulent s’engager publiquement l’une vis-à-vis l’autre. Le mariage civil ainsi compris, il n’y a pas de raison d’en refuser l’accès aux couples de même sexe. Nous savons très bien, par ailleurs, que, peu importe la définition du mariage, les couples qui se formeront dans les décennies et les siècles futurs (en mariage ou hors mariage) continueront à être hétérosexuels en très grande majorité, comme toujours.


La définition du mariage

En ce qui concerne la définition du mariage, les dispositions actuelles ne disent à peu près rien sur sa nature. Il faut vraiment beaucoup de patience et une grande aptitude à lire entre les lignes pour trouver dans la législation fédérale une définition substantielle du mariage. La Loi sur le mariage (L.C. 1990, ch. 46) ne contient aucune définition, aucune tentative de définition, ni même aucun indice comme quoi le mariage devrait être réservé à des couples constitués d’un homme et d’une femme. Dans une loi où le mot mariage n’apparaît même pas en titre (L.C.2000, ch.12), la Loi visant à moderniser les régimes d’avantages et obligations dans les lois du Canada il y a une tentative de définition du mariage comme « union légitime d’un homme et d’une femme à l’exclusion de toute autre personne ». Ce qui ne dit rien sur les critères de la légitimité de l’union dont on dit qu’elle doit être légitime.

Les tribunaux citent aussi les articles 5, 6 et 7 de la Loi d’harmonisation no 1 du droit fédéral avec le droit civil québécois (L.C. 2001, chapitre 12) où il est question, à l’article 5, du « consentement libre et éclairé », à l’article 6, de l’âge minimal de 16 ans et, à l’article 7, de l’impossibilité d’être marié avec plus d’une personne. C’est déjà mieux comme éléments de définition. Mais l’article 4 de cette loi précise que ces articles 5, 6 et 7 « s’appliquent uniquement dans la province de Québec et s’interprètent comme s’ils faisaient partie intégrante du Code civil du Québec ». Ces éléments de définition devraient se retrouver dans la Loi sur le mariage. Celle-ci doit donner une définition complète, cohérente et d’application générale de l’institution qu’elle régit. L’acte de légiférer n’est pas un jeu de cache-cache.

L’avant-projet déposé par le ministre Martin Cauchon, change tout simplement, dans la pseudo-définition du mariage de L.C. 2000, ch.12, les mots « un homme et une femme » par « deux personnes ». C’est là, peut-être, un pas dans la bonne direction, mais c’est un peu court. Le Mouvement laïque québécois souhaite une définition substantielle ; il propose donc que le législateur fédéral s’inspire, pour la définition du mariage, de celle de l’union civile donnée par l’article 521.1 du Code civil québécois. La Loi sur le mariage devrait en outre préciser que le mariage n’est en vigueur qu’après avoir été célébré conformément aux lois pertinentes de la province ou du territoire concerné. Ce qui pourrait donner ceci :

1. Le mariage est un contrat d’union civile entre deux personnes majeures qui expriment leur consentement libre et éclairé à faire vie commune ainsi que leur engagement à respecter les droits et obligations liés à cet état.

2. Le mariage ne peut être contracté qu’entre personnes libres de tout lien de mariage antérieur (et de tout lien qui équivaut civilement à celui du mariage) et que si l’une n’est pas, par rapport à l’autre, un ascendant, un descendant, un frère ou une soeur.

3. Le mariage n’est en vigueur qu’après avoir été célébré conformément aux lois pertinentes de la province ou du territoire concerné. En cas d’échec, il peut être dissout par un tribunal à la demande de l’un des conjoints ou des deux.


La liberté de religion et le caractère civil du mariage

Dans son allocution du 18 août dernier devant l’Association du Barreau canadien, le ministre de la Justice Martin Cauchon a dit du deuxième volet de son avant-projet qu’il « protège le droit des groupes religieux de refuser de célébrer des cérémonies de mariage contraires à leurs croyances ». C’est là l’aveu d’une tentative d’intrusion d’une loi fédérale dans un domaine de compétence provinciale exclusive (celui de la célébration du mariage). Une telle disposition pourrait être interprétée comme une confirmation implicite du droit concédé par les provinces aux autorités religieuses de célébrer les mariages civils et comme une garantie qu’elles pourront continuer à les célébrer toutes les fois qu’elles seront d’accord pour le faire. Les libertés de croyance et de religion garanties par les chartes canadienne et québécoise des droits et libertés n’impliquent pas le droit des autorités religieuses de célébrer le mariage civil.

Le Mouvement laïque québécois estime que la véritable liberté religieuse suppose une nette séparation entre ce qui relève de la loi civile et des autorités civiles et ce qui relève de la foi et des autorités religieuses. C’est pourquoi, le MLQ préconise une nette séparation entre la célébration civile du mariage civil et la célébration religieuse du mariage religieux. Aussi longtemps que le célébrant religieux est autorisé à célébrer en même temps le mariage civil et le mariage religieux, il y a possible conflit d’intérêt et de conviction pour ceux qui doivent composer avec ces deux institutions distinctes (mariage civil et mariage religieux) qui ne reposent pas sur la même définition et ne comportent pas les mêmes effets. La meilleure façon de protéger la liberté de conscience des célébrants religieux à l’égard du mariage civil, c’est de confier exclusivement la célébration de celui-ci à des officiers civils désignés par l’État pour le représenter. Nous demanderons donc au législateur québécois d’effectuer cette nette séparation et nous ne voulons pas qu’il soit empêché de le faire par une loi fédérale s’ingérant illégitimement dans ce domaine de compétence provinciale exclusive.

Si le législateur fédéral veut protéger la liberté religieuse en ce qui concerne la définition du mariage religieux, il doit le dire clairement et il peut le faire sans parler de célébration du mariage. Il pourrait dire, par exemple :

La présente loi est sans effet sur la liberté des groupes religieux de définir comme ils l’entendent le mariage religieux de leur confession respective. Cependant, la loi ne reconnaît, à des fins civiles, que le mariage civil correspondant à la définition qu’elle en donne et célébré conformément aux lois provinciales et territoriales.


En conclusion

Le législateur fédéral ne peut plus s’en remettre purement et simplement à la Common law pour définir une institution comme le mariage ayant subi au cours des siècles de profondes modifications. Nous avons besoin d’une définition législative substantielle qui corresponde à la mentalité et aux aspirations des hommes et des femmes d’aujourd’hui. Nous voulons une définition législative qui respecte la lettre et l’esprit de la Charte des droits et libertés. Nous voulons une législation fédérale sur le mariage qui s’en tienne à ce qui relève de la compétence fédérale et qui n’essaie surtout pas d’empêcher le législateur provincial de réserver à des officiers civils la célébration du mariage civil.

Henri Laberge, président
Mouvement laïque québécois



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