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Archive des actualités

janvier 2005


Revue de presse - Un Québec laïque dans une mosaïque de reliques
Antoine ROBITAILLE

Le Devoir —  Montréal, 2005-01-22

Serions-nous devenus des Français ? À nous entendre vibrer, dans cette affaire des écoles privées juives, pour la « laïcité », à nous entendre clamer « liberté, égalité, fraternité » jusque dans nos tribunes téléphoniques, on dirait bien que oui.
Ce républicanisme québécois n'est pas tout à fait importé. Il y a eu Papineau. Mais ce dernier, historiquement, a perdu. Et le régime qui est le nôtre se veut monarchique, fondé sur des strates d'accommodements, d'accords ponctuels et de précédents. Comme cette « relique » qui fait en sorte que « le financement des écoles confessionnelles catholiques est inscrit dans notre Constitution », ce à quoi s'attaquait Wayne G. Cook dans le Toronto Star jeudi.
Le caractère bricolé et britannique de nos traditions contraste singulièrement avec la clarté cartésienne de celles de nos cousins français, avec leurs principes révolutionnaires si purs qu'on peut les graver aux frontons des écoles et des mairies. L'édifice constitutionnel qui est le nôtre -- forgé entre autres par les revendications de nos ancêtres catholiques -- a ancré dans les institutions un « communautarisme » qui fonde, aux yeux de ceux qui l'ont prise, la décision de financer des écoles grecques ou juives. (Précisons : ça explique cette décision, ça ne la justifie pas.) Dans un passé pas si lointain, rappelons-nous, nos écoles publiques étaient si peu laïques, si peu « françaises », qu'on en excluait d'ailleurs tous les non-catholiques, notamment les juifs, même francophones, sans mentionner tous ces « autres » avec un grand A....

Voir aussi :


Libre opinion: L'école publique démasquée
Alain MASSOT, Professeur, Faculté des sciences de l'éducation, Université Laval

Le Devoir —  Montréal, 2005-01-17

Les velléités de ceux qui revendiquent des tribunaux parallèles islamiques rejoignent les illuminations de ceux qui veulent voiler l'école publique. Nous voudrions, ici, prendre le recul nécessaire pour examiner certains fondements historiques de l'école publique.
Il a déjà été dit que la plupart des problèmes de l'école pouvaient être examinés à la lumière des travaux de Condorcet sur l'instruction publique dans lesquels sont développés les principes constitutifs des systèmes scolaires modernes. Au moment de la Révolution de 1789, le Comité sur l'instruction publique y voit une occasion unique et inespérée d'asseoir les fondements d'un régime républicain. Les écrits de Condorcet sur l'école s'inscrivent dans cette ambition puisque l'instruction publique est une condition sine qua non de la liberté, de l'égalité, de la démocratie. ...
...
L'instruction publique telle que conçue par Condorcet est à la base de la démocratie et de la liberté et elle est essentielle à leur survie. Il suffit d'observer les conséquences de la suppression de l'instruction, comme cela a été le cas pour les filles ces dernières années en Afghanistan, afin d'évaluer à sa juste mesure le caractère révolutionnaire et émancipatoire de ce que représente l'instruction publique, laïque, gratuite et universelle. Soulignons le cas exemplaire de la révolution cubaine sur le seul plan de l'alphabétisation.
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Afin de faire échec aux systèmes de valeurs particularistes ayant pour assise une référence d'ordre transcendantal, Condorcet propose le concept de science morale laïque jouissant d'un niveau d'universalité comparable à celui des sciences physiques au sens où elle est susceptible de progrès.
Car, contrairement à ce qu'affirment les tenants du relativisme culturel tous azimuts, les concepts du beau, du bien et du vrai sont discernables en termes de valeur et peuvent faire l'objet d'une hiérarchisation sur la base de critères de progrès et d'universalité. [...] La hiérarchisation des valeurs est non seulement concevable, mais elle est à la base même de la Déclaration des droits de l'Homme, des Chartes des droits de la personne et des conventions internationales....
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L'existence même de l'école privée n'enfreint en rien le principe universel de l'instruction publique. C'est cette accessibilité à l'instruction publique pour tous -- indépendamment de l'appartenance économique, religieuse, ethnique, sexuelle ou autre -- qui est proprement révolutionnaire. En préserver l'autonomie fondée en raison constitue l'enjeu principal des sociétés démocratiques.
Les parlementaires français ne se sont pas trompés sur cet enjeu lors du vote de la loi concernant le port de tout signe ostentatoire à l'école. Malgré les hauts cris indignés poussés de toutes parts -- le pape, le président iranien, le président W. Bush, les cheikhs, les télé-évangélistes, aussi bien que des intellectuels de gauche et de droite -- l'Assemblée nationale a tenu à préserver la nécessaire autonomie de l'école publique.... À vrai dire, il ne s'agit pas d'opposer école privée et école publique, mais plutôt de défendre partout où il est remis en cause -- et quelle qu'en soit la façon -- le principe d'universalité de l'école publique. Libre aux écoles privées d'aménager les cursus scolaires à leur guise pour autant que ces écoles répondent aux exigences des programmes scolaires obligatoires sanctionnés par l'État.
Cependant, la généralisation de la privatisation et de la marchandisation de l'école entrave l'accessibilité à l'instruction pour tous et détruit l'intention profonde qui motive la démocratisation de l'instruction. Et ne confondons pas la défense de l'instruction publique et le problème de l'intégration. Rendre les élèves inégaux entre eux sous prétexte de respecter leurs croyances culturelles et religieuses et, par là, rendre encore plus laborieuse et précaire l'intégration sociale, apparaît pour le moins paradoxal....
En aucune manière, la sphère de l'instruction publique ne devrait être contaminée par quelque sphère religieuse que ce soit....
Les connaissances à évaluer par l'école publique ne sauraient être autres que celles qui soustraient la personne d'une relation de dépendance, notamment envers les systèmes de valeurs fondés sur des « vérités » transcendantales.
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La charia ou les tribunaux islamiques - L'État québécois doit se prononcer. Et clairement contre !
Paul BÉGIN, Ancien ministre de la Justice et procureur général du Québec

Le Devoir —  Montréal, 2005-01-12

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Les hommes, les femmes et les enfants d'aujourd'hui, qui vivent ici parce qu'ils y sont nés ou parce qu'ils ont décidé d'y vivre par choix, ont le droit, inaliénable et non négociable, d'invoquer la loi, au-delà et à l'encontre, s'il le faut, de toute règle religieuse, qu'elle soit catholique, protestante, juive, bouddhiste, musulmane ou autre. Ils ont droit à la protection de la loi, en tout temps et en toutes circonstances. Ils ont surtout droit, en tout temps et en toutes circonstances, à l'égalité devant la loi, la même pour tous.
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La question n'est pas de savoir si, sous la règle musulmane, il y a énormément, beaucoup ou seulement un peu d'inégalité pour les femmes et les enfants. S'il y en a, et nous savons qu'il y en a (succession, garde des enfants, pension alimentaire, divorce, pour en nommer quelques-unes), il est de notre devoir de nous opposer à tout geste légal qui aurait pour effet de justifier, permettre, tolérer, encourager ou autoriser une partie ou la totalité de ces inégalités à l'encontre des femmes.
Que les hommes et les femmes musulmans, sur le plan religieux, se soumettent aux règles de l'islam, c'est tout à fait normal et légitime. Mais en aucun cas ces règles ne pourront prévaloir sur les règles de la société civile, pas plus que celles des catholiques, des protestants, des juifs ou des bouddhistes ne peuvent et ne pourront le faire.
Il est clair que le projet de création d'un tribunal islamique comme celui envisagé en Ontario ne peut constituer qu'un recul majeur et dramatique, sur le plan civil, pour les femmes et les enfants, recul auquel nous ne pouvons consentir sous le motif du droit à la liberté religieuse ou encore de l'accommodement raisonnable.



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